Comment fonctionne une hydromellerie?

Si vous croyez que faire de l’hydromel c’est compliqué, détrompez-vous! Au Québec, ne démarre pas une hydromellerie qui le veut, mais ce n’est pas quand même pas si complexe que ça. 

Pour que ça fonctionne, il y a plusieurs étapes à franchir. Pour commencer, il faut avoir eu l’idée. Il faut que vous vous soyez levé un matin en disant: “moi je démarre une hydromellerie” et que vous ayez pris votre idée au sérieux, même si tes parents et amis tentent de vous en dissuader. Ensuite vous devez penser au genre de produits que vous voulez faire. Les gens croient souvent que l’hydromel est forcément un vin sucré et fort en alcool, mais ce n’est pas du tout le cas.

Pour réaliser votre rêve, vous devrez obtenir un permis de la Régie des alcools des courses et des jeux (RACJ). Pour y arriver il te faudra passer une inspection en règle pour démontrer que vous êtes installé de manière conforme, que les équipements sont adéquats et que vous savez comment les laver et les assainir.

À cette étape-ci il y a une information TRÈS importante que vous devriez normalement déjà avoir. Si ce n’est pas le cas, vous risquez d’abandonner le projet ou de faire un saut: vous devez avoir au moins 100 ruches pour être en mesure de produire le miel que vous allez utiliser pour faire les hydromels. C’est une exigence du permis de producteur artisanal octroyé par la RACJ. Pour mettre les choses en perspective, 100 ruches ça peut paraître beaucoup, mais c’est peu. C’est à dire qu’une personne sans expérience qui déciderait d’aller acheter 100 ruches se retrouverait avec un sérieux défi, un été chargé et un nombre considérable de piqûres. Toutefois, pour un apiculteur aguerri qui voudrait vivre de sa passion, 100 ruches ne serait pas suffisant et ne l’occuperait pas à temps complet. Les opérations commerciales au Québec comptent généralement 500 ruches, certaines plus. Dans l’ouest canadien, la moyenne est plutôt de 2000!

Supposons que vous ayez 100 ruches, que vous soyez équipé pour vous en occuper adéquatement et installé pour récolter et entreposer le miel, vous devriez pouvoir compter sur une production d’environ 30 kg de miel par ruche par année. C’est la moyenne québécoise. En faisant un calcul rapide, ça veut dire que vous allez disposer de 3 000 kg de miel pour faire des hydromels. C’est un bon début.

Maintenant que avez un local adéquat et bien équipé, 100 ruches en production, un permis de la RACJ en poche et que êtes prêt à brasser de l’hydromel, je vous dis tout de suite que l’étape la plus difficile est à venir. Le réel défi, là où ça devient vraiment, mais vraiment difficile, c’est à l’étape de la commercialisation. Où allez-vous vendre vos produits? Comment allez-vous faire la publicité? Quel est votre budget et votre plan marketing? Ce sont autant de questions auxquelles vous devez avoir une bonne réponse parce que vos produits peuvent être les meilleurs, mais si personne ne sait que vous existez ou ne peut les acheter, votre projet est voué à l’échec. Et de la compétition dans l’industrie du breuvage, il y en a. Il suffit de constater la vaste sélection de produits disponible pour s’en convaincre.

Le plus facile au début c’est de vendre les produits dans des épiceries. Il y a celles qui sont spécialisées et où les amateurs de produits plus rares et authentiques aiment aller, mais il y a aussi les grandes chaînes de supermarché où la vaste majorité des gens font leurs courses. Il y aussi les marchés publics et les festivals qui permettent de se faire connaître d’une clientèle généralement intéressée par la nouveauté.

Bon, admettons que votre plan de commercialisation soit bien fait, on a besoin de produits alors c’est le temps de penser aux ingrédients qu’on va utiliser. Que vous le vouliez ou non, le 1er ingrédient dans un breuvage c’est l’eau. Si vous utilisez la bonne eau de la ville comme nous, vous devez penser à la filtrer ne serait-ce que pour enlever le chlore. Pourquoi? Continuez à lire.

Comment brasser de l’hydromel?

Faire de l’hydromel, c’est vraiment simple. Ce n’est pas pour rien que certains archéologues croient que c’est la plus ancienne boisson alcoolisée fabriquée par les humains: c’est probablement arrivé par accident avec un pot de miel laissé sous la pluie.

Il faut comprendre que lorsqu’il est dans la ruche, scellé sous une couche de cire appelée l’opercule, le miel est un aliment hyper stable. C’est à cause qu’il contient peu d’eau et vraiment beaucoup de sucre, ce qui en fait un milieu impropre au développement des microorganismes. Les abeilles savent à quel taux d’humidité elles doivent amener le miel pour qu’il se conserve. Avec leurs enzymes, les abeilles y ajoutent aussi une petite quantité de peroxyde d’hydrogène, un agent antimicrobien. Toutefois, dès qu’il contient un peu trop d'eau, le miel devient un milieu propice à la croissance de levures et de microorganismes. 

Ça veut dire que pour faire de l'hydromel vous pouvez simplement diluer du miel dans l’eau et laisser une fermentation spontanée se produire. Ça peut prendre un bout et ça pourrait avoir un goût bizarre, mais ça va finir par fonctionner et on pourrait sans doute le boire. Pour faire de l’hydromel sur une base commerciale prévisible, il peut être préférable de choisir quelle levure utiliser et aussi s’assurer qu’il y n’y aura pas d’autres microorganismes dans l’hydromel.

Brasser de l’hydromel par étapes:

1: Diluer du miel dans l’eau. C’est beaucoup plus facile de diluer le miel dans l’eau chaude.

2: Refroidissement. Une fois que le miel dilué se retrouve dans la cuve de fermentation, on continue de remplir la cuve avec de l’eau fraîche. À cette étape, on doit calculer la concentration du moût de départ en miel parce que c’est ce qui va déterminer le taux d’alcool de l’hydromel. On veut donc mettre la bonne quantité d’eau. On veut que le mélange atteigne environ 20 degrés celcius.

3: Ensemencement. Une fois que l’eau est à la bonne température, on va ajouter les levures qui vont transformer le sucre du miel en alcool. On a dit plus haut qu’il fallait de l’eau sans chlore? C’est parce que comme la plupart des microorganismes, les levures n’aiment pas l’eau chlorée. Nous aimons utiliser les levures classiques que les producteurs de vin utilisent, mais une levure à bière pourrait aussi faire l’affaire. À cette étape-ci, on veut aussi oxygéner le mélange pour favoriser la multiplication des levures avant qu’elles ne se mettent véritablement au travail.

4: La fermentation. Les levures font leur boulot. Elles transforment les sucres du miel en alcool et en CO2. Au passage, elles produisent aussi les esters qui confèrent des arômes à l’hydromel. Ça peut prendre quelques jours ou quelques semaines selon le taux d’alcool qu’on veut atteindre.

5: Seconde fermentation. Ici on peut vouloir ajouter des fruits pour aller chercher des saveurs particulières. Comme les fruits contiennent du sucre, la fermentation reprend de plus belle jusqu’à ce que les levures aient épuisé les sucres.

6: Maturation. L’hydromel repose dans la cuve pendant que les levures et les fruits vont impartir des arômes au breuvage. Cette étape peut durer plusieurs jours. Pour faire notre hydromel houblonné, c’est à cette étape que nous ajoutons les granules directement dans la cuve.

7: Passage à froid. Une fois que la fermentation est complètement terminée et que vous êtes satisfait de votre produit, vous pouvez penser à le préparer pour la mise en bouteilles ou en canettes. Dans notre cas, cette étape commence par le passage à froid qui va permettre aux particules qui sont toujours en suspension dans l’hydromel de se déposer au fond de la cuve. S’il y en a beaucoup, on peut aussi faire un collage en ajoutant un produit qui va aider à clarifier l’hydromel.

8: Conditionnement. À cette étape-ci, on transfère l'hydromel dans une autre cuve pour le préparer à la mise en bouteilles ou en canettes. On pourrait vouloir le filtrer pour le rendre encore plus clair ou pour enlever les levures restantes. Une fois qu’il est dans la cuve, on peut y ajouter du miel, si on veut un produit un peu sucré et des agents de conservation comme le sorbate de potassium et les sulfites. C’est aussi dans cette cuve qu’on ajoute le gaz carbonique si on souhaite avoir un produit pétillant. 

9: Mise en contenants. Nous avons choisi de faire surtout des produits en canettes alors nous avons acquis dès le départ deux petites machines: une pour remplir et l’autre pour sertir le couvercle. C’est une étape critique parce que si la canette n’est pas bien remplie ou si l'hydromel n’est pas bien scellé dans la canette, ça peut causer de graves problèmes et des stock de produits invendables. Au début, nous avons fait quelques erreurs couteuses…

10: Destruction des levures. Pour être absolument certain que nos hydromels ne refermentent pas dans la canette et deviennent explosifs, nous leur donnons un bon bain chaud pour détruire les cellules de levures restantes. Toutefois, si la filtration stérile a été faite adéquatement, on peut se passer de la pasteurisation.

11: Chambre froide. Nous gardons toutes nos canettes au froid en attendant qu’elles soient livrées en épicerie. Ce n’est pas nécessaire, mais ça permet de préserver leur bon goût le plus longtemps possible.

Et voilà! Vous savez maintenant comment fonctionne une hydromellerie. Est-ce que ça vous donne envie de vous lancer dans l’aventure? Vous aimeriez venir voir comment ça fonctionne et passer un moment à nous aider? Vous pouvez communiquer avec nous. Ça nous fait toujours plaisir de partager notre passion et de boire un petit verre d'hydromel en bonne compagnie! En vous abonnant à notre infolettre, vous pourriez aussi être invité à des activités spéciales.

Santé!